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contrôle d'identité

Jeune homme, vos papiers s’il vous plaît.

 

-Mes papiers ?

Quels papiers voulez vous, monsieur l’agent ?

Mes poèmes, mes chansons, mes dessins ?

Mes billets d’humeur, mes romans ?

Avec plaisir, je vais vous les montrer, vous me direz ce que vous en pensez.

 

Pardon ? C’est pas de ceux là dont vous parlez ?

Vous voulez voir mes papiers à numéros,

mes papiers-barreaux, mes papiers-prison ?

Désolé, monsieur l’agent, ça fait longtemps que je ne les ai plus ceux là,

je les ai brûlés.

Que voulez-vous, un jour ou l’autre, il faut bien savoir choisir son camp.

 

Alors j’ai fini par choisir, et j’ai choisi le camp des arbres et des collines.

J’ai choisi le camp des viscères et du sang,

pas celui des codes barres et des fichiers.

 

Non, monsieur l’agent, moi j’ai choisi le camp des enfants.

Pas celui des petits chéris comblés de cadeaux et gavés de télévision ;

non, j’ai choisi le camp des enfants qui se réfugient sous la table quand leurs parents s’engueulent, ceux qui tiennent leurs petits rêves bien au chaud dans leurs poings idiots, parce qu’ils n’ont plus que ça, monsieur l’agent, ils n’ont plus que ça pour respirer.

 

Respirer, ça doit pas être dans votre vocation,ça.

 

Comment ça il y a outrage ?

Quel outrage ?

Il n'y a pas pas d'outrage, y'a que de la rage !

De la rage et de la colère.

Parce que notre amour du monde, quand on voit ce que vous en faites, ça vire à la haine. Ca donne des envies de barricades, des envies d’applaudir les avions qui s’écrasent sur des banquiers américains.

 

Alors on se raisonne, on essaie de se calmer le sang, de se dire que c’est pas une solution. Mais bon dieu, l’envie , elle est là ! Elle vous travaille l’estomac à en perdre le boire et le manger,

jusqu’au jour où vous brûlez vos papiers.

 

Alors tout peut commencer, monsieur l’agent,

tout peut commencer.

 

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