top of page

 

 

Nurit Peled-Elhanan

Réflexions à l’issue du Jour

de Mémoire Israélo-Palestinien

 

 

 

Le mouvement des «  combattants pour la Paix » a organisé une cérémonie conjointe de la Mémoire Israélienne et Palestinienne pendant six années d’affilée.

 

Cette année, à l’encontre des années précédentes, l’Administration civile a décidé de ne pas permettre aux représentants Palestiniens d’aller à Tel-Aviv pour participer à la cérémonie , aucune raison n’a été invoquée et il n’y a pas eu d’excuses.

 

« Les Combattants pour la Paix » ont contacté le bureau au sommet de l’Administration des Affaires Civiles. Ils ont réduit la liste à 12 personnes. Mais l’Administration civile a dit Non.

 

L’armée n’a pas donné d’explications, une fermeture était imposée. Comme si toutes ces institutions nous étaient étrangères. Comme si parmi tous les Juifs qui allaient à cette cérémonie il n’y en avait pas qui avaient fait leurs temps de réservistes, comme si aucun d’entre eux n’était appelé au service obligatoire pour devenir les exécutants de cette fermeture, un élément vital et décisif du régime d’Occupation.

 

Les remarques ci-dessus issus des journaux démontrent aussi bien qu’un millier de témoins que l’Opposition à l’Occupation et l’obéissance à ses lois sont incompatibles.

 

Après avoir essuyé un refus catégorique les «  Combattants pour la Paix » en ont appelé au membre de la Knesset le plus à droite, Benny Begin, pas seulement au membre de la Knesset la plus à gauche Zahava Galon, Mais leurs deux requêtes ont été vaines. Les autorités ne les ont pas récompensés comme des citoyens loyaux et obéissants devraient être récompensés. Aussi, maintenant, ils s’en remettent à la presse , comme il est de mise dans un pays démocratique.

 

Le message le plus clair du comportement impeccable des «  Combattants pour la Paix » vis-à-vis des Autorités d’Occupation était : regardez quels citoyens exemplaires nous sommes. Nous avons demandé des permis à temps ( 2-3-4- semaines en avance) nous avons réduit le nombre de personne de sorte de ne pas vous effrayer, nous l’avons réduit seulement à ceux qui ne seront pas des provocateurs à vos yeux .

 

Par exemple, bien que l’événement soit organisé en partenariat avec le Forum des Familles endeuillées pour la Paix, nous n’avons pas protesté contre le refus d’autorisation pour Khaled Abu-Awad- le président du Forum, qui est assiégé à Beit Umar depuis plus d’un an maintenant, parce que son fils Mohamed a été emprisonné depuis plus de deux ans sans chef d’accusation et sans visites. Personne n’a mentionné Khaled pendant la cérémonie , est-ce que quelqu’un le connaissait ?

Cependant, la sœur de Khaled, Siham, interdite elle aussi, à qui on avait refusé aussi son permis pour la même raison (l’emprisonnement injustifié de son neveu) a envoyé un message vidéo de réconciliation et de pardon dans la certitude qu’elle parlait à des personnes qui n’obéissent pas aux lois racistes de l’Occupation.

 

Le message du mouvement était le suivant : «  Au centre de cette cérémonie que nous partageons, il y a la douleur humaine et le deuil qui sont communs aux deux peuples. En ce jour, nous venons tous dans le chagrin et la souffrance. La présence des représentants Palestiniens est un symbole de la capacité de deux peuples de joindre leurs mains, et d’abandonner derrière eux les résidus du passé, pour pardonner, pour aller vers la réconciliation et en conséquence pour mettre un terme au cycle du sang versé.

 

Qui exactement a la capacité de joindre les mains ? Qui exactement a la capacité et le droit d’abandonner derrière lui les résidus du passé et de quel passé parlent-ils donc ? De ceux pour qui le passé est l’histoire, ou bien pour ceux qui le vivent encore chaque jour et chaque heure ? Des Juifs du quartier aisé de Rehavia ou des gens de Sheikh Jarrah ? Des enfants de Tel Aviv ou bien des enfants de Beit Umar ou de Silwan qui sont tirés de leurs lits chaque nuit pour être arrêtés par des robots armés de la tête aux pieds ? Le suggéraient-ils aux mères endeuillées ou aux mères qui tentent de d’agripper leurs frêles petits enfants des mains de la police ou des Patrouilles d’Unités Spéciales ( SPU) ou bien des hommes de l’agence de Sécurité d’Israël- seul le diable sait la différence entre eux- et crient «  Je suis de B’tselem, je suis de B’tselem » sans savoir exactement ce qu’elles sont en train de crier , car elles font référence aux caméras dans leurs mains pendant que pour les soldats-policiers-patrouillesd’unitéspéciale-policedes frontières-agence de sécurité dIsraël- les cris se référent à ce qu'on leur a inculqué pendant 18 ans d'éducation – non seulement douter mais nier absolument que ces femmes elles-aussi ainsi que leurs enfants on été crés à l’image de Dieu ( En Hébreu B’tselem est : A l’image )

 

Peut-être que leur intention était de laisser les résidus du passé de Gaza ?

 

 

La cérémonie fut magnifique, vraie, très triste et sans idée de vengeance. On vit les Palestiniens sur les écrans , les Israéliens étaient assis dans la salle. Chacun a envoyé des messages de résistance non-violente . Mais par dessus tout, le mot « Occupation » n’a été prononcé que par les lèvres des orateurs Palestiniens.

 

La première conclusion qui peut être tirée de cette soirée n’a pas été formulée : il est impossible de renverser un régime cruel d’occupation par l’obéissance et en courbant la tête. Le seul chemin pour mettre à terre les êtres du Mal et des ténèbres est de refuser de coopérer avec eux .

 

Et bien sûr, les « Combattants pour la Paix » est un mouvement de refusers, d’hommes et de femmes courageux qui ont décidé de ne plus obéir aux lois de séparation de l’Occupation , de traverser les checkpoints et même de se confronter aux soldats et de lutter ensemble pour une vie normale de paix et d’amitié avec leurs voisins ; de transpercer les murs d’Apartheid, sans violence mais avec détermination. Ceci avec la conscience que les voisins opprimés, piétinés, assassinés, emprisonnés ne sont pas «  l’autre côté » mais les victimes qui furent souvent malmenées entre les mains des membres Israéliens du mouvement quand ils étaient soldats - eux-mêmes victimes de l’éducation Israélienne qui empoisonne les esprits ce qui a été bien décrit dans le discours de Avner Vishnitzer.

 

 

Par leurs actions, leurs confessions, le dialogue et la réconciliation les «  Combattants pour la Paix » nous rappellent à tous que les juifs du groupe – nous - n’avons pas encore gagné le droit de demander pardon et oubli. A travers leurs histoires personnelles, eux – qu’ils soient Israéliens ou Palestiniens – démontrent qu’ils n’y a aucune peine personnelle. aucune souffrance en cet endroit qui ne soit causée par les politiques. Peu importe que ce soit la mort de la famille Vogel de la colonie illégale et violente d’Itamar qui ont été assassinés par des Palestiniens enragés, la mort des frères de Fida, qui ont servi courageusement dans l’armée Israélienne ou la mort de la petite Abir Aramin d’Anata qui a été assassinée par un soldat Israélien.

 

 

Mais, Motti Vogel, le frère de Udi Vogel, dans une tentative de sauver de la diffamation la mémoire de son colon de frère prévient : «  L’utilisation de la mémoire des morts pour justifier la guerre et la mort des autres n’est pas plus inacceptable que d’utiliser leur mort pour faire avancer la paix et mes positions politiques ne font aucune différence. Je ne peux pas utiliser la mort de mon frère pour faire avancer la paix. »

 

 

Bien sûr, il est impossible de faire avancer la Paix par les moyens de la mort, mais seulement – comme les « Combattants » l’ont exprimé très clairement- par les moyens de la vie partagée, le respect et la considération mutuels. Cependant il est clair pour nous tous que Udi Vogel, sa femme et ses trois petits enfants ont été assassinés à cause de l’Occupation. Les frères de Fida et la fille de Bassam ont été assassinés à cause de l’Occupation , leur sang bradé et rendu superflu en toute impunité.

 

 

 

Laissez-nous espérer qu’à ce moment, l’année prochaine, quand viendra le temps de cette cérémonie, les combattants pour la Paix auront intériorisé le message de Fida Zeidan du village Druze de Beit-Jan qui a bien compris que ses deux frères, qui sont tombés dans les guerres d’Israël, n’étaient rien d’autre que des victimes de la réalisation de la vision sioniste qui les a transformés en pions. Espérons qu’ils intégrerons le message envoyé par le refus des Autorités d’Occupation de permettre la participation du Président du Forum des familles endeuillées pour la Paix, et la participation des autres membres palestiniens : c’est que, aussi longtemps que nous obéissons, que ce soit en intégrant l’armée , en payant des impôts pour les colonies et les guerres, ou en tentant de prouver nos bonnes intentions et notre bonne citoyenneté , aussi longtemps que nous serons satisfaits de nos tentatives d’empathie avec «  les autres » nous ne pourrons pas éradiquer ce régime de vilenie.

 

Puissent les « Combattants pour la Paix » - qui combattent sans peur ni favoritisme tous les aspects de l’Occupation- décider de transférer toute la cérémonie de Tel Aviv où on ne décèle aucune trace de l’Occupation vers les portes de Beit Umar, vers Sheikh Jarrah, vers Ramallah, et peut-être même vers Jenine - aux portes du Théâtre de la liberté , à l’endroit où le directeur de ce théâtre unique, l’acteur Israélo-Palestinien Juliano Mer a été cruellement assassiné par des fondamentalistes. Non pas parce que les autorités d’Occupation les autoriseront à faire ainsi mais parce que cela devrait être fait , même au prix de centaines de participants et du musicien Yoni Rechter qui a dû insister «  du fond du cœur » ( à qui exactement , aux Palestiniens auxquels son Etat ne permet pas de franchir les barrières du Ghetto ? Aux familles endeuillées à qui l’on a volé ceux qu’ils aimaient ? ) qu’il aimait son Etat. Peut-être bien qu’alors, au lieu d’aimer l’Etat – qui n’est rien d’autre qu’un fatras de bureaux inutiles plein de ministres corrompus et de fonctionnaires paresseux, nous commencerons tous à aimer le pays, notre pays avec ses oliviers, ses vins ses gens et que nous cesseront de le blesser ainsi.

Et peut-être bien qu’au lieu de Yoni Rechter, nous pourrons entendre une fois de plus- car nous ne pourrons jamais l’écouter assez- le poème d’Hanoch Levin :

 

Mon cher père, quand tu te dresseras au dessus de ma tombe

Vieux , fatigué et tout-seul en ce lieu,

Et que tu verras comment ils ont enterré mon corps dans la terre

Et que tu seras debout au-dessus de moi, mon cher père,

 

Ne te dresse pas si fièrement

Et ne redresse pas la tête mon cher père,

Nous nous tenons chair à chair maintenant

Et c’est le temps des larmes, mon cher père.

 

Aussi laisse tes yeux pleurer pour mes yeux,

Et pas de silence en mon honneur,

Quelque chose de plus grand que l’honneur

Git à tes pieds, mon cher père.

Et ne parle pas de ton sacrifice,

Car celui qu’on a sacrifié ici , c’est moi,

Et ne profère pas d’autres paroles d’une hauteur affectée

Car je suis très bas maintenant, mon cher père.

 

 

 

Mon cher père, quand tu te dresseras au dessus de ma tombe

Vieux , fatigué et tout-seul en ce lieu,

Et que tu verras comment ils ont enterré mon corps dans la terre

Alors, tu imploreras mon pardon, mon cher père. ( 2 )

 

 

Notes du traducteur :

 

1 - les femmes Palestiniennes qui crient «  I am B’Tselem » font références aux caméras vidéos qui ont été distribuées par le mouvement Israélien pour les Droits Humains B’tselem , pour pouvoir visualiser les violations des Droits Humains commis par les autorités Israéliennes. Ce que ces femmes ne doivent aps savoir c’est que le nom de cette organisation , B’tselem, «  dans l’image » en Français est une allusion au fait que la Bible proclame que les êtres humains – sans aucune exception- sont créés dans l’Image de Dieu . ( Voir Genèse 1,27 et Genèse 9,6 )

 

2 – Le poème est issu d’une pièce de Hanoch Levin, «  Meurtre » traduit de l’Hébreu en Anglais par Barbara Harshav.

 

 

Traduction Française : Roseline Derrien

 

 

bottom of page