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Nurit Peled-Elhanan

Tribunal Russell Genève

 

Dans sa déclaration de clôture de la session finale du TRP à Bruxelles, Michael Mainsfield a promis que le tribunal allait démarrer maintenant ce qu'il a appelé une intifada légale. De mon point de vue, cette intifada légale devrait envisager deux questions principales: les crimes et le déni des crimes.

Cela veut dire qu'elle devrait déverser un flux incessant de plaintes contre Israël et ses complices auprès de la Cour Internationale de Justice pour violations des lois internationales et soutien à un Etat d'Apartheid où des crimes d'Apartheid et de racisme sont commis chaque jour.

Israël ne viole pas seulement les lois internationales, mais aussi ses propres lois de respect de la dignité humaine et de la liberté, et Israël viole le credo Juif concernant la manière dont les étrangers, les dominés, les esclaves et les autres personnes faibles devraient être traitées.

Les lois qui protègent la vie en Israël ne s'appliquent que lorsque les victimes sont juives. Ainsi, Israël a mis en place deux systèmes de justice et deux systèmes de valeurs: l'un d'entre eux qui est destiné à la protection, l'autre qui est destiné aux abus, un qui protège les victimes, l'autre qui protège les auteurs du mal. Ce système s'appelle Apartheid, et l'apartheid est un crime qui mérite au moins la suspension de l'accord d'association d'Israël avec l'union européen, an accord sans lequel l'occupation ne peut plus exister. Cet accord a été conditionné par quelques principes auxquels Israël devait être fidele: La démocratie, le régime de la loi, l'universalité et l'indivisibilité des droits humains et des libertés fondamentales , le respect pour la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité, et le respect pour la loi internationale. Pourtant Israël n'est pas une démocratie mais plutôt une ethnocratie, Les lois israéliennes permettent au groupe dominant - celui des Juifs - de voler les terres des palestiniens, de démolir leurs maisons, de briser leurs familles, d'incarcérer leurs enfants et de les torturer autant que les services secrets l'entendent sans aucune intervention légale. C'est cela le sens de la "Démocratie juive" qui, ainsi que nos ministres le répètent inlassablement est d'abord juive et ensuite démocratique. C'est cela le sens du nationalisme juif Israélien qui a évolué d'un nationalisme de libération d'une minorité persécutée à un nationalisme dominant, oppressif et raciste. Un nationalisme qui prêche la pureté de la race et l'éradication des éléments étrangers, la protection de la mère patrie des étrangers, quand bien même ils seraient les indigènes natifs de la terre.

La loi israélienne contre le racisme et la diffamation vient d'être amendée pour qu'on puisse poursuivre Muhamad Baqri pour son documentaire important Jenin Jenin qui expose les actions de l'armée israélienne qui peuvent être définis comme crimes de guerre. mais cette loi ne s'applique pas au maire de Nazareth-Illit qui se vante d'avoir gardé sa ville juive par des moyens dont il vaut mieux ne pas se vanter . La loi contre la maltraitance des enfants ne s'applique pas aux rabbins qui prêchent le meurtre des bébés des ennemis et le viol des femmes des ennemis. La loi pour la protection des locataires ne protègent pas la famille Shamasneh et les autres familles de Sheikh Jarakh, et de Silwan à Jérusalem, qui sont expulsées de leurs maisons par la police israélienne pour être remplacées par des colons juifs. Ces familles là, qui sont littéralement jetées dans la rue, n'intéressent personne, ne sont la responsabilité de personne. Où vont-elles se loger, où vont-elles dormir avec leurs enfants et leurs vieillards, où vont elle cuisiner, se chauffer, étudier, vivre ? Personne ne sait, personne ne s`en occupe. Des professeurs de l' Université de Jérusalem les voient tous les jours, logées dans les rues près de leurs anciennes maisons que l'armée garde contre leur retour, et ne font rien, ne disent rien, n'en parlent pas dans leurs classes. Jusqu'à présent, la seule campagne initiée par des intellectuels israéliens du centre tel Amos Oz et AB Yehosua, fut une lettre adressée au gréviste de la faim Samer Issawi, pour le persuader de cesser de mourir afin qu'ils puissent soulager leur conscience, car comment pouvoir vous vanter d'être un humaniste libéral quand un prisonnier politique est en train de mourir en protestant contre l'injustice?

Ceux qui osent étudier et enseigner l'Occupation Israélienne de la Palestine, la souffrance quotidienne - mentale et physique des Palestiniens, et la collaboration du monde occidental, sont souvent intimidés, expulsés ou virés - voir le professeur Norman Finkelstein et la force qu'accumulent des organisations comme Academia Monitor, Im-Tirtzu, IMPACT et AIPAC, dont le seul but est de limiter la liberté de pensée et de la recherche et d'empêcher le monde de connaitre la vérité sur l'occupation et sur l'apartheid israélien. Ces organisations là n'auraient jamais pu survivre sans l'aide massive des autorités mais la loi internationale est bien claire contre la menace sur la liberté d'expression et de la pensée.

Nous devrions donc demander que l'étude de l'Apartheid pratiquée par Israël soit encouragée, qu'aucune université aux Etats-Unis et partout ailleurs ne puisse être autorisée à interdire un conférencier qui s'exprime sur ce sujet comme cela arrive aujourd'hui.

Israël sait bien que son régime d'Apartheid et ses pratiques racistes n'auraient jamais pu être acceptées par l'Occident s'ils n'avaient pas été dirigés à l'encontre d'Arabes. Les lois internationales ne sont pas ignorées en Europe et aux Etats-Unis mais elles sont souvent ignorées quand les victimes sont des Musulmans Arabes. Les Arabes sont les victimes de cet antisémitisme moderne et occidental dont les cibles ne sont plus les Juifs mais les Musulmans. Et la loi internationale est bien claire au sujet de l'antisémitisme.

Israël profite d'un soutien inconditionnel de l'Europe et des Etats-Unis qui ne sont pas étrangers à des pratiques semblables de nettoyage ethnique, de dépossession et d'éradication. Cela explique la collaboration de l'Occident qui détourne ses yeux d'aveugles de la misère des Palestiniens dans une manipulation de déni parce que cette sorte de déni sert ses intérêts. Le déni des faits et le déni de responsabilité: nous avons tous entendu le discours du président Israélien Shimon Peres qui après 65 ans de domination sur presque 6 millions de Palestiniens n'est toujours pas capable d'être conscient de leur présence et ne croit pas dans leur existence. Ce déni est accepté par l'Occident puisque nous n'avons trouvé aucun journal ou média qui reproche à Peres cette déclaration ignominieuse.

Le bouclier derrière lequel Israël se protège lui-même des critiques est L'holocauste. Et le monde est trop content d'être complice ! En utilisant l'Holocauste comme excuse pour ne pas critiquer Israël, les institution et les compagnies complices se protègent elles-mêmes de l'accusation de collaboration. Feignant un engagement envers le peuple Juif pour avoir assisté impassibles quand il était exterminé en Europe, ces mêmes Nations assistent impassibles aujourd'hui et regardent la Naqba Palestinienne qui continue, et en tirent profit, en utilisant l'excuse futile qu'on ne peut pas critiquer Israël sans être antisémite et que l'Europe se doit d'être aux côtés du peuple Juif quelles que soient les circonstances afin d'expier ses crimes.

Ainsi, l'intifada légale devrait soutenir le mouvement de BDS, et boycotter les institutions qui ne s'opposent pas publiquement et ouvertement au régime d'Apartheid et d'Occupation. Le crime de silence doit être puni. C'est la leçon qu'on a du apprendre du silence du monde au temps de la Shoa.

Mais Israël a tiré une leçon différente de la Shoa. Il s'en sert pour justifier ses crimes, Et pour éduquer ses enfants juifs à la xénophobie, pour infecter leurs esprits et pour les modeler en bon soldats qui obéissent aux ordres de tuer sans scrupules. La peur d'une nouvelle Shoah qui se superpose aux récits mythiques à propos du glorieux passé des Hébreux et qui leur ouvre des droits absolus sur l'ensemble de la Terre d'Israël et de Palestine, et leur ignorance presque complète concernant leurs voisins et leur vie, sont les meilleurs ingrédients du racisme. Aussi, comme les enfants et les adultes Israéliens ne rencontrent plus de Palestiniens , spécialement depuis que l'économie Israélienne les a remplacés par un marché aux esclaves d'autres pays lointains, ils croient reconnaître devant leurs yeux un futur Hitler, quand un garçon Palestinien de 10 ans supplie un soldat de ne pas le jeter en prison car il a un examen dans la matinée . Ils ne voient pas et ne peuvent pas voir leur propre image se refléter dans les yeux de ce garçon.

Nous devons donc exiger qu'Israël soit surveillé de façon très sérieuse : à la fois dans son système d'éducation, et dans son discours politique et médiatique qui crée un racisme d'élite, un racisme qui est dicté par les autorités politiques et éducatives.

En se cachant derrière l'étendard de l'Holocauste, Israël prétend que aussi longtemps qu'il ne pratique pas de génocide, les autres nations ne peuvent pas lui reprocher de perpétrer un mal extraordinaire. Mais le génocide n'est pas le seul crime pour lequel un Etat peut être assigné devant un Tribunal. Ainsi que nous l'apprenons de Johan Galtung à NY, et comme on va l'entendre tout à l’heure, il y a aussi un crime de sociocide et d'ethnocide dont Israël est coupable avec certitude.

Nous devrons demander la reconnaissance de tous les crimes inclus dans le terme sociocide - ou ethnocide, à savoir le déplacement forcé, la destruction de la culture, l'anéantissement de l'économie locale, l'imposition obligatoire de nouvelles formes d'organisation sociales et politiques et l’ allocation des droits sélectifs selon les citoyens. Nous devons savoir qu'Israël est coupable d'avoir tué les capacités d'une société à survivre et à se reproduire elle-même, en tuant et blessant ses membres[...] en la privant de ses besoins essentiels de survie, de bien-être, d'identité, de liberté, de la sécurité contre la violence, de la viabilité économique contre la famine et la maladie et de l'autonomie pour être maître dans sa propre maison.

Israël, grâce à l'aide des Institutions les plus prestigieuses de l'Occident, prive les Palestiniens de leur passé et de leur avenir. Les palestiniens vivent sur leur propre terre sans monuments pour commémorer leur histoire que d’ailleurs ils n’étudient pas, et sans aucun de leurs symboles nationaux ou culturels dans l'espace public. Le présent est pour eux comme disait le professeur Galtung, un harcèlement incessant qui altère toute vie normale. Et bien pire : leur destin étant sans avenir prévisible se réduit à la survie.

L'intifada légale doit exiger que la culture et l'histoire des Palestiniens, soient présentes partout ou ils vivaient avant le nettoyage ethnique de 1948 et de 1967 et où ils vivent aujourd'hui. Car L'élimination symbolique des Palestiniens comme l'explique Ilan Pappe , leur effacement du récit, comme le montre le discours de Peres , de l'économie et de la culture, des livres scolaires et des cartes de géographie, est le point de glissement où le nettoyage ethnique se transforme en génocide. Quand vous êtes éliminés des livres d'Histoire et du discours des politiciens les plus en vue, il y a toujours un danger que le pas suivant soit une élimination physique.

Pourtant le monde s'arrange bien de cette élimination. Les Palestiniens n'ont aucun tribunal où plaider leur cause, à l'exception du Tribunal Russell. l'intifada légale doit se battre contre l'élimination de leur voix, de leur droit à être entendu, de leur droit à avoir des témoins qui leur fassent justice dans les tribunaux internationaux. La Palestine qui est maintenant un membre des Nations Unies doit avoir sa juste part dans l'intifada légale. Nous devons exiger des procès publics et nous devons exiger que les enfants puissent témoigner. Chaque victime palestinienne doit pouvoir faire entendre sa voix dans ces procès.

Reste la question la plus importante : une fois que nous aurons porté les charges a la cour internationale, qui seront les juges : les geôliers de Guantanamo, les Français qui en collaborant avec Véolia ont participé à rendre casher l'Occupation de la Palestine, les Britanniques qui ont changé la loi afin de faciliter l'accès de leur territoire aux criminels de guerre Israéliens ?

Comme nous l'avons entendu à Barcelone, la loi internationale protège Israël et ses complices de toutes les façons possibles. Il est peut-être bien temps de reconsidérer aussi le système de justice occidental , d'exiger que les lois internationales protègent les pauvres et les faibles, et que les juges soient à l'image de Stéphane Hessel.

Comme Bertrand Russell l'a dit et comme c'est inscrit sur le drapeau du tribunal Russell, le silence face au mal est un crime contre l'humanité.

Mais L'intifada légale doit exiger plus que cela, elle doit exiger une pleine indignation et un engagement sans concessions.


 

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